L’art, le COVID et la médecine

En pleine crise du COVID, que peut nous apporter l’art? Question étrange. Pourtant, les médecins montpelliérains se l’étaient posée quelques siècles plus tôt -les grandes épidémies étaient encore plus dévastatrices- lorsqu’ils ont créé à la Faculté le premier musée des beaux arts de la ville avec le collectionneur Xavier Atger, ainsi qu’une bibliothèque étonnante mariant les plus anciens ouvrages de médecine et d’anatomie à ceux parlant d’histoire, de musique et de poésie. L’ADN de la médecine et du soin à Montpellier, historiquement, c’est la considération de l’homme dans sa globalité.

Les patients gravement malades en détresse vitale ont besoin de soins intensifs, la réanimation, qui permet l’oxygénation et le bon fonctionnement des organes. L’oxygène, c’est vital, et les patients les plus sévèrement atteints du COVID ont besoin d’en respirer des dizaines de litres par minute. Que vient faire l’art dans une telle situation critique ?

Souvent, ce patient qui a séjourné plusieurs jours dans le coma se réveillera sous respirateur. Il ne peut pas encore parler et ne voit qu’un mur blanc devant lui. L’oxygène, c’est vital, mais il ne suffira pas, seul, à lui redonner les forces nécessaires à sa sortie de réanimation. A ce moment là, ses proches et ses soignants s’ingénieront à réfléchir pour trouver, avec lui, un sens à son combat. De l’humanité, un recul apaisé par rapport à la situation aiguë, à la vie passée et à venir, permettront de poursuivre ce combat, ensemble, avec respect et éthique.

Ce recul face à une situation critique, on peut le sentir de manière symbolique en se baladant autour des hôpitaux et dans les vieilles rues de Montpellier, sous le regard de grands visages, certains jouant avec la lumière, le vent et les bâtiments. Des visages dénués de tout contexte médical, masque ôté le temps de la photo, pour une bouffée d’air frais et d’apaisement : rassurez-vous, les agents hospitaliers sont comme vous, avec vous. Ce recul, un peu « décalé », puise son origine même dans les séances de prises de vue. Les agents ont fait une courte pause, l’occasion de discuter avec un photographe. Cédric Matet, l’artiste humaniste, a su casser les « postures acquises par le métier » et faire tomber le masque, littéralement.

Le projet #derrierelesmasques a été imaginé et proposé au CHU de Montpellier par Cédric Matet en avril 2020 à la fin du premier confinement. Merci à lui, aux institutions et aux mécènes de nous avoir offert un peu d’art, cet ingrédient qui nous aide à prendre du recul face aux choses et nous rappelle l’humanité essentielle. Merci aux collègues, aux patient·es et aux montpelliérain·es, d’être indéfectiblement patients, indulgents et solidaires.

Gérald Chanques
• Professeur d’anesthésie-réanimation
• Porteur médical du projet #derrierelesmasques
• Secrétaire général et porte-parole des 800 ans de la Faculté